Le fracas machinal du chaos de l'océan palpilte au fin fond de mon tympan. La décadence hasardeuse des éléments n'est la seule chose que mon corps en lambeaux peut ressentir. Je suis un peu comme un cadavre échoué sur les plages de Normandie, le lendemain du débarquement. Il me semble sentir encore des bouts de bois aiguisés au creu de mon ventre, la chair à l'air libre, la brise marine s'engouffrant dans mes entrailles.

Je deviens fou tu sais. Je crois être un soldat abandonné au milieu de l'apocalype, tenant contre le reste de son coeur, la missive de sa chère moitié, qui servira d'échappatoire vers le monde d'en haut. ça sent la mort et la décomposition. Les corbeaux et les vautours dansent majestueusement tels des messagers divins, au dessus de ma dépouille. Je ne m'entends plus respirer, ni même battre mon coeur. Je sais juste que mes yeux et mon cerveau voient.

Je n'ai jamais aimé les humains. Ils me donnent la nausée. Tellement... vides. Tout comme le sang de mon coeur : absents. J'ai toujours été seul : je ne vois pas les choses comme mes semblables, c'est ce qui explique ma misantropie et mon nihilisme. Je suis usé par les hommes,par le bruit, par la vie. Que ça soit dans la terre humide ou dans un immeuble, ils m'ont tous tué.

J'avais cru, il y a longtemps, trop longtemps, que j'avais trouvé en elle une part de ma solitude. Elle ne parlait que très peu, et ça me convenait très bien. J'ai toujours trouvé que les mots étaient trop faibles si on les compare aux pensées et aux sentiments. Alors je ne parlais que très peu moi aussi. J'avais trouvé dans ses boucles de blé, un peu moins de laideur que dans le reste du monde. J'aimai regarder ses iris aussi. J'y voyais l'océan. Un peu comme celui où je crois gîr. Je pouvais y nager, plus libre que n'importe quel autre animal. C'est d'ailleurs les seuls fois où je crus, l'espace d'un instant, me sentir vivant

Le bourdonnement de mon coeur s'était vite estompé lorsque que ses cheveux dorés ont rougi et que ses yeux, miroirs du vrai monde, étaient devenus ternes.

Je n'ai jamais rien ressenti d'autre depuis, si ce n'est l'odeur du sel et de la terre humide et le chant macabre de ces mortuaires volatiles...

Utah-GI-mort.jpg 

Retour à l'accueil