Derrière de grands murs austères, les hommes esclavagisé aperçoivent les montagnes enneigées, sauvages et escarpées. Leurs formes indomptables semblent leur promettre une liberté dont ils ont été amputés. Par-delà les barrières, l'inaccessible rêve que tous les hommes convoitent jalousement, semble les narguer. Ils admirent, impuissants, ce qu'ils pensent ne jamais obtenir. 
Alors, lorsque la nuit tombe, à l'abri des regards, ils se surprennent à espérer. Ils imaginent la renaissance qui fleurit sous une douce chaleur, de grands espaces dénués de toutes contraintes. S'en suivent des questions qui restent suspendues à leur esprit. 
Aura-t-il un jour le courage de surmonter ces peurs, de franchir ces murs et d'atteindre l'impossible ? L'herbe est-elle vraiment toujours plus verte ailleurs ? Et quel sera le prix à payer ? Ou alors tout cela n'est qu'une séduisante illusion ? La peur... cette saisissante peur de l'échec et de la déception. Il faut du courage, mais surtout une foi inébranlable pour passer outre ces obstacles qui se dressent devant lui. Il lui faut traverser, escalader, courir, se cacher sans relâche pour les atteindre. 
Il doit savoir. Plus le soleil disparait derrière ces briques froides qui se dressent devant lui, plus les franchir devient une obsession.
C'est alors qu'un matin, avant les premières lueurs du soleil, il prit son courage à deux mains et, lorsque les gardiens eurent tourné le dos, il se mit à courir. Ses doigts s'agrippèrent alors au béton rugueux, ses chaussures glissèrent et son corps lui parru aussi faible que lourd. Il se hissa le long du mur de toutes ses forces, s'appuya sur ses avant-bras et atteignit le haut du muret. Il traversa le fil barbelé, se griffa, s'écorcha la peau et reteint son souffle pour mieux serrer les dents et oublier la douleur. 
Bientôt la sirène se fit entendre et des hommes, sortis de nulle part, brandirent leurs armes et commencèrent à tirer dans sa direction. Malgré la peur, il avança. Il ne faut surtout pas se retourner et uniquement fixer l'horizon qui l'attend. Il se laissa tomber de l'autre côté et heurta violemment un sol rocheux. Il n'eut pas le temps de réaliser qu'il avait réussi la première étape : il fallait maintenant courir, le plus vite et le plus loin possible. 
Il s'élança et les premières foulées lui firent mal : jamais encore son corps n'avait été habitué à un tel effort. Il accéléra encore. Il comprit vite le mécanisme et ses bras se balancèrent en rythme pour lui donner de l'élan. 
Quand les cris des soldats ne furent plus qu'un écho très lointain, il prit conscience de toutes les sensations qu'il ressentait. L'air frais glissait sur son visage, ses cheveux virevoltaient, ses pieds lui faisaient agréablement mal, son cœur battait la chamade, son sang circulait à toute allure, sa respiration était saccadée et bruyante : c'est ça le goût de la liberté. 
Il le réalisa soudain et interrompit sa course. Il mit ses mains sur ses hanches et, en attendant que sa respiration reprenne un cours normal, il regarda le paysage qui s'offrait à lui. Il était libre. Il avait réussi. Il était le seul à y être parvenu. Et maintenant, pour la première fois de sa vie, le soleil se levait lentement sous son regard et colorait les vastes étendues sauvages et chaque pic de ces montagnes fascinantes. Il n'y avait plus de barrières, seulement lui et la terre promise qui se dressait devant lui.
Une larme s’échappa de ses yeux, il ne la retint pas et sourit. Il se mit à pleurer. La liberté était si douce et si envoutante… Il se laissa tomber dans les herbes délicates et indomptées. Jamais il ne se sentit aussi vivant qu’ici, allongé dans la rosée d’un matin de printemps, les yeux coulant de soulagement et émerveillés par ce qu’ils voyaient. Il avait l’impression que ses sens se réveillaient d’un profond coma : il percevait des odeurs agréables et raffinées, il découvrit des couleurs qu’il n’avait jamais vu, des textures qu’il n’avait jamais senties. 
Mais surtout, il n’avait plus peur. Où dormirai-t-il ? Comment allait-il manger ? Aurait-il froid cette nuit ? Tout cela n’avait plus d’importance. Il était enfin... libre.
freedom
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