Nous sommes en 2015. La majeure partie du monde a été détruite par les nouvelles bombes. La pression politique et la nature destructrice de l’Homme avaient engendré un lancé mutuel et quasiment synchronisé des armes des plus grandes puissances mondiales.

Ainsi, ni vainqueur ni perdant, il fallait tout recommencer depuis le début. Brasiers, fumée, cendres, un paysage bien noir et macabre s’offrait à la vue des quelques rares survivants. L’humanité fut complètement dévastée et les quelques restes de son existence étaient secrètement conservés par des privilégiés. Parmi eux, une famille entière avait survécu et échappé à l’apocalypse, sans doute son isolement avait-il joué en sa faveur. ..

Lorsque l’aurore apparaissait, les pâles rayons du soleil traversaient une grande maison de pierres grises, logée sereinement au creux d’une campagne verdoyante. Ce petit coin de paradis était isolé du reste du monde et avait réussi à préserver la beauté de son verger. Les quelques rares arbres qui continuaient de fleurir, étaient abondants. Les collines de blé sauvage reflétaient chaque rayon du soleil et le chant de rouge-gorge était l’unique bruit que le vent amenait jusqu’ici.

Cet Eden trop paisible semblait être une sorte de faille dans la courbe du temps, où ce dernier serait suspendu.

Une seule chose troublait ce calme utopique : Megalyn, la cadette de la famille. Elle avait tout juste 5ans, le rose naturel aux joues, de longs cheveux détachés aux reflets d’or, les yeux toujours écarquillée Elle était curieuse et étonnée de tout ce qu’elle voyait, la moindre fourmi devenait pour elle une véritable source de fascination. Elle courrait dans les champs environs, et ne se lassait pas de rire aux éclats, sans véritable raison. Elle aimait sentir le soleil sur sa peau claire et sentir les épis de blé entre ses petits doigts.

La petite fille était « l’incarnation du bonheur innocent » comme disait Rose, sa grand-mère. Elle, dont Meg était si proche. Avec cette candeur, l’ainée bienveillante de la famille retrouvait son âme d’enfant et elles s’amusaient à faire de petites bêtises biens innocentes aux parents.

Pourtant malgré tout, un jour cette complicité s’est obscurcie.

Megalyn vit furtivement la main de sa grand-mère, façonnée par l'âge, le temps et le dur labeur se lever au dessus de sa petite tête blonde. La petite fille ferma très fort les yeux et senti la lourde main s'abattre sur son fessier. Sa peau douce et rosée devint alors rougeâtre et irritée. Elle se mordit la lèvre pour retenir ses petites larmes salées. Elle pensait à ce qu'elle avait fait. Ses mains et sa petite jupe à froufrous blancs étaient toutes tachées de rouge.

Elle avait juste tiré de toutes ses forces le tabouret de bois clair, caché sous la grande et vieille table de chêne, en essayant de faire le moins de bruit possible. Elle y avait posé ses souliers vernis pourpres et s'était levé. La benjamine s'est mise sur la pointe des pieds et avait tendu la main vers la poignée de la porte du meuble. Elle avait ensuite attrapé ce qu'elle convoyait avec ses yeux pétillants. Mais elle a soudain perdu l'équilibre, brisant dans sa chute, le petit pot de verre.

La confiture de fraise s'était renversée et un éclat pointu vint se planter dans le creux de la main de la petite fille. Sa grand-mère l'avait regardé après l'avoir sévèrement puni.

Cette dernière pensa alors, en baissant son regard triste "si seulement elle savait que les fraisiers n'existent plus..."

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